CHAPITRE
VII
STALLES
II
DESCRIPTION.
Histoire de la Vierge
Jouées G à L
Histoire
de la Vierge Marie.
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JOUEE DE LA MAITRESSE STALLE G 56. –
Les sujets
qui occupent la partie haute et à deux faces de la maîtresse
stalle 56, se rapportent à l'histoire de Joseph, et ont été
décrits précédemment. Seul le panneau inférieur
appartient à la- suite que nous décrivons et ne comprend
qu'un seul sujet, développé avec beaucoup de détails
:
Le Massacre des Innocents (pl. LXXVII, en Z). - Bien que saint Mathieu
ait suivi l'ordre contraire, nos artistes ont placé le Massacre
des Innocents avant la Fuite en Égypte, sans doute parce qu'ils
disposaient d'un plus grand espace pour un sujet qui comportait plus
de développements. D'ailleurs les deux faits sont simultanés
(9). La scène se passe dans une campagne plantée d'arbres,
au fond de laquelle on aperçoit une maison à haute cheminée
; un plessis et un château fort crénelé, avec
sa porte et ses tours, au sommet duquel flotte une bannière.
A la gauche du spectateur, Hérode, à longue barbe, richement
costumé et coiffé d'un chapeau ceint d'une couronne
royale, le sceptre à la main (1), est assis dans une chaire
au haut et magnifique dossier- de style Renaissance, surmonté
de trois statuettes d'enfants nus, dont un joue du tambourin, l'autre
de la flûte traversière et le troisième, qui est
au milieu, accroupi et les ailes éployées, tient une
tête de mort. A une fenêtre en arc surbaissé et
accolade, dans le tympan de laquelle est un écu à un
croissant, apparaît un homme imberbe, coiffé d'une espèce
de chaperon en bourrelet; à la patte retombante, et vêtu
d'une houppelande à revers et larges manches. A droite et à
gauche d'Hérode, se tiennent deux personnages, sans doute des
conseillers, dont l'un est barbu |
Notes |
(9) Matth , II, 16-18.
(1) Le sceptre est brisé. |
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et vêtu d'une saie à larges manches, bordée
par en bas d'un galon fort large, sur lequel sont des lettres qui
ne paraissent composer aucun mot ; une bourse et un couteau sont pendus
à sa ceinture, les bords de son chapeau relevés en forme
de casquette ; l'autre a le visage rasé, un chaperon en bourrelet
sur la tête, la cornette enroulée autour du cou.
Le reste
de la composition peut se diviser en trois groupes principaux :
Ier groupe
(au premier plan, aux pieds d'Hérode). – Une mère
très élégamment vêtue : robe ouverte en
carré, sur la gorgerette à fins plis, manches bouillonnées
et tailladées, coiffe fort riche à oreilles ornées,
est à genoux, disputant son enfant nu à un soldat qui
le lui arrache violemment, s'apprêtant à le frapper de
son épée. C'est une espèce de lansquenet (1),
dont tout l'accoutrement : houseaux, chausses, pourpoint, est tailladé
du haut en bas : le pourpoint est attaché aux chausses par
des aiguillettes, qui se desserrent à l'effort qu'il fait pour
brandir son épée, en laissant la chemise bouffer entre
les deux; sa chevelure est emprisonnée dans un filet, son chapeau
tombant derrière la tête est retenu par une gourmette
attachée sous le menton.
2e groupe
(au premier plan à droite du spectateur). – Debout et
coiffée d'un bourrelet, une mère tient dans ses bras
et les plis de son manteau un enfant qui tête encore sa mamelle,
tandis qu'un soldat en saie, corselet, casque à visière
relevée et orné d'espèces d'ailes aux oreilles,
brandissant son épée (2), écarte le manteau de
la mère auquel le pauvre enfant s'accroche tant qu'il peut
de ses petites mains, regardant son agresseur avec effroi. Une autre
mère désolée est affaissée par terre,
pleurant sur le corps inanimé de son enfant nu. Elle est richement
vêtue d'une robe et d'une double jupe plus courte, arrondie
par devant et par derrière, avec affiquets, bordée d'un
large galon sur lequel on voit des lettres qui ne présentent
aucun sens.
3e groupe.
(Au second plan, au-dessus du précédent, et du même
côté). – Un soldat au visage rasé, souliers
découverts en bec de cane, saie tailladée en biais sur
la poitrine et fendue depuis le bas jusqu'à la ceinture, laissant
voir discrètement la braguette, manche tailladée en
biais au bras droit, le gauche couvert d'un brassard, chapeau crénelé
sur la tête, accoutrement qui rappelle celui des lansquenets,
tient en l'air en riant aux éclats, un enfant nu embroché
dans son épée. La mère éplorée
se tient à côté de lui, joignant les mains avec
désespoir. C'est encore une personne de condition, à
en juger par sa mise : souliers en bec de cane, robe traînante,
sur laquelle une autre est drapée, presque aussi longue, d'étoffe
souple, fendue sur le côté avec affiquet, et décolletée.
Son chaperon en bourrelet est attaché par une gourmette. Un
autre soldat à longues moustaches, le reste du visage rasé,
armé d'un corselet d'où sortent d'énormes manches
bouillonnées et tailladées, ayant sur la tête
une espèce de barbute avec ailes aux oreilles, se tient derrière
une femme voilée qui s'est jetée à genoux, cherchant
à cacher l'enfant emmailloté qu'elle tient dans ses
bras. Par derrière, on aperçoit une femme au capuchon
relevé.
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Notes |
(1) En 1513, une bande de lansquenets
du comte d'Aspremont passa par Amiens, ou tout au moins près
de cette ville, et ils furent logés à Boves. Est-ce
par un souvenir de leur passage que l'on en voit un certain nombre
figurer dans nos stalles, notamment dans les sujets de fantaisie des
pendentifs? Echevin. des 20 et 28 avril 1513. Arch. de la ville d'Am.
BB 21, fol. 170. 171 v°.
(2) Elle est brisée. |
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Très remarquable d'exécution,
de mouvement et d'expression, ce bas-relief laisse un peu
à désirer pour la composition qui n'est pas
très claire. Il a aussi passablement souffert du frottement,
de sorte que la plupart des figures ont perdu leur finesse.
DOSSIER
DE LA MAITRESSE STALLE 56 (pl. LXXXIX). – 1. L'ange
apparaissant en songe à Joseph et lui ordonnant de
fuir en Égypte (1).- Au milieu d'une campagne
plantée d'arbres, Joseph est assis, encapuchonné
et endormi, s'appuyant sur son. bâton à béquille
: figure extrêmement remarquable de finesse. Dans le
ciel, au-dessous d'un nuage, un ange apparaît, étendant
les bras comme s'il lui parlait (2). |
2.
La Fuite en Égypte. – Au milieu d'un paysage
planté d'arbres, au fond duquel on aperçoit
une ville avec ses remparts, ses tours, ses clochers et ses
maisons, prodige de finesse, et, au premier plan, un arbre
tortu, au pied duquel est une espèce de crocodile (3),
Marie, un court voile sur la tête, est assise sur un
âne, tenant l'Enfant Jésus emmailloté
; à côté d'elle, Joseph en vêtements
assez courts, la tête encapuchonnée, marche,
son bâton à béquille sur l'épaule. |
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3.
Chute des idoles à l'arrivée de Jésus
en Égypte. – Une campagne plantée d'arbres,
au fond de laquelle est une petite église à
clocher cylindrique, tel est le décor. Au premier plan,
deux idoles nues, juchées au haut de colonnes annelées,
se brisent et tombent à la renverse (4).
Les quatre compartiments qui sont immédiatement au-dessous
des trois sujets, qui précèdent renferment chacun
un personnage debout, mais aucun attribut ne permet de les
caractériser d'une façon précise. Voici
l'explication qu'en ont donnée MM. Jourdain et Duval
: « ABRAHAM figure l'entrée en Égypte
que prophétise ISAIE. Au père des croyants,
aussi bien qu'au père de l'Enfant, Dieu a dit : Sortez
de votre maison et venez en la terre que je vous montrerai;
et Abraham descendit en Égypte, pressé par
la famine, comme plus tard Joseph et sa famille,
pressé par la persécution d'Hérode. |
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Notes |
(1) Matth., 11, 13.
(2) MM. Jourdain et Duval n'ont pas voulu voir dans ce sujet l'avertissement
donné à Joseph de fuir en Égypte, « mais
en observant, disent-ils, que Joseph est en tenue de voyageur, que
l'apparition a lieu après le Massacre des Innocents et dans
la campagne, il nous a paru plus probable qu'il s'agissait de l'ordre
donné en Égypte de retourner à Nazareth »
Mém, de la Soc. des Ant. de Pic., t. VII, p. 313). Ces raisons
ne nous paraissent pas concluantes. Rien d'abord n'indique que Joseph
soit en habit de voyageur ; s'il a mis son capuchon sur sa tête,
c'est pour se garantir du froid durant son sommeil. Son bâton,
il l'a toujours entre les mains, même dans les scènes
où il n'est pas question de voyage, par exemple dans l'Adoration
des mages. La place occupée par le sujet n'est pas non plus
une raison : nos artistes ne pouvaient guère séparer
la vision de Joseph de la Fuite en Égypte, et, étant
donné qu'ils avaient choisi pour ce sujet le panneau principal
du dossier de la stalle, ils devaient mettre à côté
l'ange apparaissant à Joseph et lui ordonnant de fuir en
Égypte, d'autant que ce sujet comportait peu de personnages
et convenait très bien à l'espace restreint du n°
1. D'ailleurs l'ordre des sujets va de la gauche à la droite
du spectateur, et c'est bien dans ce sens que marche la sainte famille
dans le bas-relief n° 2. Quant à l'argument tiré
de ce que Joseph est dans la campagne, il n'a aucune valeur. Nous
avons déjà constaté que nos artistes affectionnaient
le plein air, même pour des scènes qui avalent du plus
vraisemblablement se passer dans l'intérieur d'une maison.
(3) Ce détail est sans doute pour symboliser l'Egypte, comme
l'ont pensé MM. Jourdain et Duval.
(4) Voy. ci-dessus. t. I, p. 392, la description du grand portail. |
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Isaïe se tourne vers lui et semble lui dire : Le
Seigneur montera sur un nuage léger et il entrera dans
l'Égypte. De l'autre côté, MOÏSE,
annonce en sa personne la sortie d'Égypte qu'OSÉE
prédit dans ses livres. MOÏSE auquel échut
la mission de délivrer et de tirer de l'Égypte
le peuple d'Israël, figuré de Jésus-Christ
; Osée, dont saint Mathieu précise lui-même
l'oracle, et qui voyait en même temps, dit saint Jérôme,
le peuple de Dieu et le fils de Dieu, lorsqu'il chantait : J'ai
rappelé mon fils d'Égypte! Le vêtement
orné, frangé et étoffé des deux patriarches,
contraste avec la robe unie que portent les deux prophètes
sous un simple manteau relevé avec grâce sous le
bras. (Gen., XII, 2 à 10; Isaïe, XIX, 1 ; Exod., VII,
4; Osée, XI, 1) » (1). Il serait étrange
que nos artistes aient omis de mettre à Moïse les
cornes qu'ils n'ont pas manqué de lui donner dans les scènes
de l'exode, avant même qu'il les ait eues effectivement.
D'un autre côté, nous ne saisissons pas très
bien la différence de costumes que signalent MM. Jourdain
et Duval. Ne seraient-ce pas plutôt quatre prophètes
qui ont paru faire allusion au passage de Jésus en Égypte
et surtout à la chute des idoles? ISAIE, à cause
de ces paroles : « Voilà que le Seigneur montera
sur un nuage léger et entrera en Égypte, et les
idoles de l'Égypte seront ébranlées devant
sa face » (2); ÉZÉCHIEL, qui a de si
longues imprécations contre l'Égypte, où
l'on relève ces mots : « Le Seigneur Dieu dit
ces paroles : Je détruirai les simulacres et je ferai cesser
les idoles de Memphis » (3); OSÉE, qui a dit
: « Il brisera leurs idoles, il ravagera leurs autels
(4) ..... J'ai appelé mon fils de l'Égypte »
(5). Le dernier pourrait être soit AMOS, à cause
de ces paroles : « Les hauts lieux de l'idole seront
démolis » (6), soit plutôt MICHEE qui
a dit : « Toutes ses statues tomberont ..... et je
tournerai toutes ses idoles à perdition » (7).
Il
ne faut pas oublier que le sens mystique donné à
la fuite en Égypte au moyen âge était surtout
la chute des idoles, et ne pas s'étonner que nos artistes
aient mis près d'elle les prophètes qui l'ont prédite,
quand même leurs prédictions ne s'appliquaient pas
spécialement à l'Égypte. Mais encore une
fois, à défaut d'attributs positifs, nous ne voulons
rien, affirmer, et nous ne donnons cette explication que pour
ce qu'elle vaut.
Quoi
qu'il en soit, voici en quelques mots, la description de nos quatre
personnages
4.
Barbu, coiffé d'un turban et vêtu d'une longue robe
fendue sur les côtés avec affiquets et bordée
d'un très large et très riche galon; les mains levées,
il tient une banderole muette et regarde le ciel, comme s'il était
inspiré.
5.
Barbu, coiffé d'un turban posé sur un bonnet à
oreilles pointues terminées par des glands, robe demi-longue,
manteau drapé qu'il relève, et brodequins; il tient
à la main un rotulus fermé.
6.
Imberbe, coiffé d'une espèce de chapeau à
cornette retombant sur le
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Notes |
(1) JOURDAIN ET DUVAL, op. cit., dans
Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8°, t. VII, p. 313.
(2) « Ecce Dominus ascendet super nubem levem et ingredietur
Ægyptum, et commovebuntur simulachra Ægypti a facie ejus
». Is., XIX, 1.
(3) « Haec dicit Dominus Deus : Et disperdam simulachra et cessare
faciam idola de Memphis ». Ezech., XXX, 13.
(4) « Ipse confringet simulachra eorum, depopulabitur aras eorum
» Os., X, 2. – Ce sont les paroles qui servent de légende
à la vignette représentant la Fuite en Égypte
dans les Heures de Simon Vostre.
(5) « Ex Ægypto vocavi filium meum ». Os., XI, 1.
(6) « Et demolientur excclsa idoli ». Amos, VII, 9.
(7) « Et omnia sculptilia ejus concidentur, ..... et omnia idola
ejus ponant in perditionem ». Mich., 1, 7. |
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côté, comme celle du
chaperon, robe demi-longue et manteau drapé qu'il retrousse
d'une main, tandis qu'il lève l'autre comme pour montrer-le
ciel.
Barbu,
robe traînante, sur laquelle en est une autre d'étoffe
raide, taillée en pointe devant et derrière, bordée
d'un galon perlé et de houppettes, col cassé avec
petits glands au bout des pointes, courroie à la ceinture,
chapeau relevé d'une enseigne ; il déroule une banderole.
Ces
quatre figures sont extrêmement remarquables par le caractère,
l'expression et la finesse d'exécution.
MONTANT
DE LA MAITRESSE STALLE 56 (PL. LXXXIX). – Des nombreux sujets
et statuettes qui décoraient le revers de la jouée,
le montant en pendentif et le montant principal de la maîtresse
stalle 56, dont on voit les emplacements vides, il ne subsiste qu'un
seul, sur le montant principal. Il représente Marie conduisant
par la main l'Enfant JESUS, pieds nus, vêtu seulement d'une
tunique demi-longue serrée à la taille, avec nimbe
sans croix autour de la tête (1). MM. Jourdain et Duval (2)
ont supposé, non sans raison, que ce groupe figurait le voyage
de la Sainte Famille à Jérusalem, et que Joseph devait
occuper la niche voisine, aujourd'hui dépouillée.
PANNEAU
DE LA RAMPE H 110 (PL. LXXVIII, EN Z). – 1. Jésus parmi
les docteurs. – Au milieu du temple, figuré par une
arcature cintrée, avec accolades et crochets, portée
sur des piliers carrés, s'élève une superbe
chaire en style de la Renaissance, abritée par un dais richement
brodé et frangé, dans laquelle l'Enfant Jésus
est assis. Pieds nus, vêtu d'une simple tunique, la tête
découverte et ornée d'un nimbe polylobé, sans
croix, il semble discourir. Remarquons sa douce et intelligente
figure. Autour de lui se pressent les docteurs symétriquement
rangés, assis pour la plupart sur des escabeaux et paraissant
l'écouter avec attention et étonnement. Ils ont les
costumes les plus variés, les expressions de figures les
plus vraies et les plus caractéristiques, mais où
est marqué un air de bienveillance qui contraste avec les
airs sceptiques et railleurs des pharisiens que nous verrons à
la rampe I 106. Ils sont au nombre de huit : six sont assis en cercle
autour de Jésus, trois à sa droite et trois à
sa gauche.
Le premier,
vêtu d'une longue robe à collet festonné, porte
sur la tête une énorme coiffure à trois étages
: bourrelet, rang de crevés, et motif de passementerie d'où
sort un gland ; un livre est ouvert sur ses genoux.
Le second
est chaussé de galoches et encapuchonné dans un chaperon
à longue pèlerine, sur lequel est enroulée
la cornette dont l'extrémité retombe sur le côté.
Le troisième
a endossé une espèce de houppelande; son chapeau à
bords retroussés est surmonté d'un rang de crevés
et d'une petite boule.
La robe
du quatrième est munie d'un large col attaché par
un fermail. Une espèce de casque à mèche posé
sur un bonnet à longues oreilles pendantes, terminées
chacune par un gland, encadre sa figure ornée d'une forte
barbe.
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Notes |
(1) Il faut remarquer que, dans tous les
sujets des stalles, Dieu seul est orné du nimbe. MM. Jourdain
et Duval blâment les auteurs des stalles d'avoir omis la croix
au nimbe de l'Enfant Jésus dans ce sujet ainsi que dans le
suivant.
(2) Mém. de la Soc. des Ant. de Pic., in-8', t. Vll, p. 315. |
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Le
suivant est un vieillard au visage glabre, osseux, décharné
et étonnant de vérité, vêtu d'une houppelande
à revers et coiffé d'un chapeau aux bords retroussés.
Il tient un rotulus.
Le dernier,
qui est vu de dos, est très bizarrement costumé d'une
longue robe au col découpé en longues pointes redéchiquetées;
il a sur la tête un chaperon en bourrelet, dont la cornette
fait le tour de son cou. Un chien dort sous son escabeau : la théologie
transcendante ne l'intéresse pas.
Deux personnages
enfin écoutent du haut des galeries du temple. L'un est en
bonnet carré, et l'autre coiffé d'un chapeau crénelé.
A cette
même galerie apparaissent Joseph encapuchonné et Marie,
la tête voilée, manifestant leur joie et leur étonnement
de retrouver Jésus.
Ce bas-relief
est extrêmement remarquable et d'une conservation parfaite ;
on retrouve dans les docteurs les mêmes têtes énergiques
et expressives que nous admirerons dans les pendentifs (1).
2. Retour
à Nazareth. – Sur une hauteur plantée d'arbres,
Nazareth apparaît. Au milieu de maisons à hauts pignons,
les uns lisses, d'autres à crochets, un autre en gradins, au
sommet duquel flotte une bannière, s'élève une
charmante église à fenêtres, balustrades et clocher
octogonal terminé par une flèche, le tout dans le goût
flamboyant ; la ville est entourée d'une enceinte fortifiée
à courtines, mâchicoulis, chemins de ronde, tours cylindriques
crénelées, amorties en dômes; la porte est flanquée
de deux tours de même, et surmontée d'un fronton demi-circulaire
en style de la Renaissance, couronné lui-même d'un élégant
campanile crénelé renfermant une clochette (2). La Sainte
Famille se dirige vers la ville. Joseph, un bâton d'une main,
l'autre levée, paraît montrer le chemin à Marie
qui tient l'Enfant Jésus par la main. Celui-ci est vu de dos,
levant légèrement la tête, comme pour écouter
ce que sa mère lui dit, de sorte que son nimbe, orné
cette fois d'une fort jolie croix, fait face au spectateur et masque
presque complètement et d'une façon fort bizarre la
tête de l'Enfant (3).
PANNEAU
DE LA RAMPE I 107 (pl. LXXXIII, en Y). – Un seul sujet : les
Noces de Cana (4). – Une longue table est dressée, portée
sur deux tréteaux et couverte d'une nappe ; un pâté
sur un plat, un couteau, un gobelet, une sorte de vase couvert qui
paraît être une salière, quatre petits pains ronds,
dont un est entamé, un tranchoir carré devant chaque
convive, et, sur plusieurs de ces tranchoirs, des morceaux de viande,
voilà le couvert. Sous la table, une corbeille remplie de pains
(5) et un chien croquant les os qu'on lui a jetés (6). La mariée
occupe le milieu de la table, on la reconnaît facilement à
son air jeune et à sa |
Notes |
(1) L'ordonnance de cette scène
est assez commune. Elle a été sans doute vulgarisée
par les estampes du temps. Cf. Chronique de Nuremberg, 1493, in-fol.,
fol. XCV,- Une estampe de la même époque, Bibl. Nat.,
Est., B a 18 c, rés., etc.
(2) Sur les clochettes des portes, voy. ci-dessus, t. II, p. 106.
(3) Ce nimbe vu par derrière eut le don d'horripiler Didron,
à qui d'ailleurs les stalles de la cathédrale d'Amiens
ne plaisaient guère. II ne manquait jamais de l'appeler avec
dédain « nimbe en casquette ». Voy. notamment,
p. 373 (I°, 218).
(4) Joan., II, I-11.
(5) Nous avons déjà vu la corbeille de pains accompagner
la table du pharaon dans la rampe C 51. L'appuie-main 8-9 nous montrera
le boulanger apportant ses pains également dans une corbeille.
(6) A la rampe C 51, c'est un chat qui lèche les assiettes
du pharaon. |
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toilette : robe ouverte en carré avec galon perlé
sur la poitrine et espèce de broche entre les deux seins, larges
manches d'où sortent les manches plus étroites d'un
vêtement de dessous, patenôtre pendue à la ceinture,
magnifique collier autour du cou, les cheveux tombant en longues mèches
sur les épaules, et chapeau de roses sur le front (1). A sa
droite est une femme âgée, sa mère, sans doute,
la tête voilée, portant une robe dont le corsage est
ouvert en pointe sur la poitrine laissée nue, garni de fourrures
aux parements des manches et à l'encolure et ceint par une
large courroie que rattache une boucle fort élégante
; d'un geste affectueux, elle pose la main sur l'épaule de
sa fille. Marie, la tête voilée, est assise à
la gauche de la mariée. Un jeune homme imberbe (2), un rang
de crevés autour du cou, manches serrées aux poignets
et soulevant poliment son chapeau aux bords entièrement relevés,
crénelés et ornés d'une enseigne, s'approche
d'elle discrètement et lui frappe doucement sur l'épaule,
pour l'avertir sans doute qu'il n'y a plus de vin. Se tournant vers
Jésus, qui est au bout de la table à côté
d'elle, Marie semble lui dire : « Ils n'ont point de vin »
(3). Jésus, vêtu d'une simple tunique, sans ceinture,
courte barbe, tête nue, les cheveux tombant sur les épaules,
s'adresse à quatre serviteurs qui lui présentent six
urnes posées à terre : « Remplissez d'eau ces
urnes, ..... puisez maintenant, et portez-en au maître du festin
» (4). Le premier a des souliers découverts en bec de
cane, des chausses tailladées aux genoux et bizarrement garnies
de galons le long des cuisses, une saie fendue sur les deux pans réunis
par des aiguillettes lâches, avec manches fendues ; le bras
sort par la fente et est couvert seulement par la manche de la chemise
serrée aux poignets. Ce serviteur se baisse comme pour montrer
les urnes à Jésus. Les trois autres ont des figures
extrêmement remarquables de finesse et d'expression et sont
couverts de vêtements longs et drapés. A l'autre bout
de la table, se tient l'architriclinus, qu'au moyen âge on appelait
l'archetreclin, homme respectable, à la barbe épaisse,
vêtu d'une robe au capuchon relevé, avec manches à
parements de fourrure découpés ; son chapeau surmonté
d'une boule est entouré d'un bourrelet orné d'une enseigne;
il tient d'une main un couteau, et, de l'autre, il approche de sa
bouche une écuelle pleine de vin, paraissant dire au jeune
homme imberbe, l'époux, sans doute, qui s'approche de lui :
« Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le mauvais,
quand on est ivre, et toi, tu as gardé le bon jusqu'à
présent » (5). Le costume de l'époux n'est
pas moins remarquable que celui de sa femme : souliers en bec de cane,
sans quartiers, saie bordée d'un galon, manteau demi-long à
collet, jeté sur les épaules d'où il tombe en
plis droits jusqu'à la cheville ; son chaperon en forme de
toque à longs poils est retenu sur l'épaule gauche par
la cornette, la patte tombant derrière le dos. Le lieu du festin
est une salle carrelée ou plutôt la cour intérieure
d'une maison crénelée : à la droite du spectateur,
est une porte en plein cintre, surmontée d'une accolade à
crochets et accompagnée de deux petites baies en plein cintre,
à côté s'ouvre une grande fenêtre carrée
à croisée de pierre, entièrement vitrée
d'une mise en plomb en losanges, ornée de deux |
Notes |
(1) Voy. les fiançailles de la
Sainte-Vierge, au 2° panneau de la rampe D 40.
(2) « Dicit mater ejus ministris ». Joan., II, 5
(3) Joan., II, 3.
(4) Joan., II, 7, 8.
(5) Joan., II, 10. |
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écus dans des chapeaux de triomphe, l'un à
la croix cantonnée de quatre besants ou tourteaux (1),
l'autre à une fleur de lis; charmant modèle
de vitrerie civile. Un superbe dais orné de franges et de broderies,
dont les courtines sont gracieusement relevées à droite
et à gauche, et clans le fond duquel pend un motif de passementerie
de forme losangée, est étendu au-dessus de la mariée.
De l'autre côté, est un dressoir gothique, composé
d'une tablette inférieure sur laquelle est posée une
cane à anse et couvercle, et d'une armoire à deux vantaux
sculptés, avec serrure et pentures. Une nappe est jetée
sur la tablette qui surmonte l'armoire, où sont posés
une espèce de flacon à large goulot et trois gobelets
mis les uns dans les autres au milieu d'un plat ; un dossier avec
panneaux à draperies plissées, couronné d'une
dentelle flamboyante, complète ce meuble qui est d'une très
élégante simplicité.
PANNEAU
DE LA RAMPE I 106 (pl. LXXXIII, en Z). – Le sujet suivant qui
occupe aussi à lui seul !e panneau tout entier, se rapporte
à un fait de l'Évangile assez rarement reproduit dans
l'iconographie du moyen âge. C'était un jour de sabbat
; Jésus venait d'avoir avec les Pharisiens une longue controverse
accompagnée de miracles, sur le point de savoir si l'on pouvait
guérir le jour du sabbat. Il avait confondu leur étroit
formalisme. « Comme il parlait encore au peuple, sa mère
et ses frères étaient dehors, cherchant à lui
parler. Quelqu'un lui dit : Ta mère et tes frères sont
là dehors, qui te cherchent. Jésus répondit à
celui qui lui parlait ainsi : Qui est ma mère et qui sont mes
frères? Et étendant la main vers ses disciples, il dit
: Voici ma mère et mes frères, car quiconque aura fait
la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là
est mon frère, et ma sœur, et ma mère »
(2). On peut subdiviser ce bas-relief en deux parties inégales
; la première représente l'intérieur d'un édifice
aux grandes fenêtres en accolades garnies de remplages flamboyants;
la porte est mi-Renaissance, mi-gothique, en arc surbaissé,
d'une grande richesse, et ornée d'un rang de perles, avec frise
à feuilles de refend : elle est surmontée d'un fronton
cintré à coquille, entouré d'imitations de gemmes,
amorti en accolade, avec animaux fantastiques formant crochets et
épi en fleur de lis. Cette porte est flanquée de deux
colonnes gothiques aux fûts imbriqués, aux tailloirs
polygonaux et surmontées chacune d'un marmouset (3). Cette
porte donne sur la campagne qui forme la seconde partie de la composition.
On y aperçoit une ville avec ses toits à pignons, ses
clochers, sa porte en plein cintre flanquée de deux tours carrées,
ses courtines et ses tours crénelées, les unes cylindriques,
les autres polygonales. Marie, un voile sur la tête, s'approche
de la maison, accompagnée de quatre personnages, les « frères »
de Jésus : l'un, qui est barbu, tête nue, la chevelure
tombant en longues boucles sur les épaules, tunique longue,
serrée à la taille par une courroie, manteau attaché
sur la poitrine par un bouton, les pieds nus, est certainement un
apôtre, sans doute saint Jacques le Mineur, ou moins vraisemblablement
Saint Jude, son frère, tous deux fils d'Alphée ; le
second est aussi nu-tête, sa chevelure est plus courte, et sa
figure rasée, sauf les moustaches qui sont fort longues ; le
troisième est imberbe et a les cheveux bouclés ; le
dernier est une femme coiffée d'un |
Notes |
(1) Ce sont les armes de la famille Pièce,
d'Amiens.
(2) Matth., XII, 46-50.- Voy. aussi Marc., III, 31-35; Luc., VIII,
19-21.
(3) Il ne reste plus que les pieds de ces marmousets. |
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bourrelet par-dessus la guimpe (1). Tous ont des visages
souriants, comme s'ils se réjouissaient de revoir Jésus.
Dans l'intérieur de la maison, celui-ci est monté sur
une estrade, la tête et les pieds nus, vêtu seulement
d'une longue tonique sans ceinture. Le peuple est figuré par
cinq personnages aux attitudes, aux expressions les plus pittoresques,
les plus variées et les plus vraies. Comme elle respire le
doute et l'ironie cette tête de pharisien à la barbe
effilée en deux pointes, coiffée d'une espèce
de casque à mêche, qui se penche vers Jésus en
ricanant. Comme ils ont l'air arrogants et convaincus de leur savoir
ces deux scribes paraissant méditer quelque nouvelle question
insidieuse. Ils sont assis près de la porte, l'un sur un escabeau,
l'autre sur une sorte de chaise fort bizarre, dont le dossier est
placé à l'un des angles. Celui-ci porte la barbe entière
et des souliers à la poulaine; le col de sa robe fait deux
pointes par derrière. Celui-là a la tête enveloppée
dans un capuchon pointu, dont la pèlerine, qui s'en va en pointe
le long du dos, est terminée par un gland; son visage est rasé,
sauf les moustaches. Un autre homme imberbe, une verrue sur la mâchoire
gauche, coiffé d'un bourrelet à enseigne par-dessus
un bonnet, se tient dans la porte, regardant venir Marie et ses compagnons;
un cinquième personnage vêtu d'une saie fendue sur le
côté, à larges manches et à grands revers
de fourrures ornés chacun d'un gland qui retombe sur la poitrine,
ceint d'une courroie où pend une bourse, et coiffé d'un
chapeau aux bords bizarrement enroulés, frappe sur l'épaule
de Jésus et lui montre sa mère et ses frères
qui s'apprêtent à entrer. Jésus le regarde, et,
étendant la main vers ses disciples qui se tiennent à
sa gauche, semble lui dire : « Voici ma mère et mes frères
». Les disciples sont figurés par six personnages barbus,
sauf un seul, qui doit être Jean; les cheveux crépus
et la barbe frisée d'un autre pourraient peut-être désigner
Pierre; les quatre derniers ne sauraient être identifiés.
Tous sont presque uniformément couverts de vêtements
drapés ; seules les physionomies diffèrent; on ne voit
pas leurs pieds. Cinq sont debout ; celui qui est au premier plan,
est assis sur un escabeau, un livre fermé sur les genoux.
PANNEAU
DE LA RAMPE J 96 (pl. LXXXIV, en Y). – 1 . Jésus attaché
à la croix. – Jésus presque entièrement
nu, les reins ceints d'une écharpe et couronné d'épines,
les mains liées avec des cordes, est assis sur la croix faite
de bois lisse et bien dressé et étendue par terre. Un
aide y perce à l'avance au moyen d'une énorme tarière
les trous pour les clous qui devront attacher les mains et les pieds
du Sauveur (2). Cet aide est jeune et imberbe, aux cheveux crépus
; il porte des souliers à la poulaine ; des chausses collantes
rattachées par des aiguillettes à un pourpoint fendu
de deux grands crevés au milieu du dos, sans manches et décolleté,
la chemise bouffant entre les chausses et le pourpoint, au col et
aux bras, les manches retroussées. Derrière lui, un
personnage d'importance, en longue robe, avec capuchon sur la tête,
par-dessus lequel est posé un chaperon à bourrelet qui
retombe comme un bonnet |
Notes |
(1) « Nonne hic est fabri filius?
Nonne mater ejus dicitur Maria, et fratres ejus Jacobus et Joseph
et Simon et Judas, et sorores ejus, nonne omnes apud nos sunt? »
Matth., XIII, 55, 56. – Voy.. aussi Marc., VI. 3.
(2) MM. Jourdain et Duval (op. cit., dans Mém. de la Soc. des
Ant. de Pic., t. VII, p. 251) rappellent la légende d'après
laquelle la croix aurait été percée a l'avance
aux endroits où devaient être attachés les mains
et les pieds de Jésus; les trous destinés aux mains
ayant été percés trop loin l'un de l'autre, lorsqu'une
des deux mains eut été attachée, on fut obligé,
pour atteindre l'autre trou, de lui tirer si violemment les bras que
ses veines se rompirent. |
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phrygien, un papier roulé à la main,
paraît parler à Jésus. C'est sans doute Ponce-Pilate
apportant le texte du titulus. Deux autres personnages l'accompagnent.
De l'autre côté et au premier plan, un individu à
la face vulgaire et grimaçante, traversée par une longue
moustache, regarde Jésus en ricanant; son accoutrement est
des plus bizarres : un pied chaussé d'un houseau à revers
et l'autre nu, les jambes nues, un haut de chausses tailladé
d'un côté, découpé en longues pointes de
l'autre, une sale découpée en festons et ornée
d'un galon perlé par en bas, ouverte en carré sur la
poitrine, avec profusion de crevés aux manches et sur le devant,
la chevelure enveloppée dans un mouchoir attaché sur
le haut de la tête par un affiquet; son chapeau aux bords crénelés
et entièrement relevés en forme de toque, orné
d'un affiquet, pend derrière son dos, retenu par une gourmette
; il a une corde passée en bandoulière et s'appuie sur
une énorme épée dans son fourreau. C'est bien
l'exécuteur de la haute justice avec tous ses insignes et dans
l'exercice de ses fonctions. On peut le comparer avec celui qui pend
le grand panetier sur la rampe C 51. Trois soldats se tiennent derrière
lui imberbes, couverts d'armures de plates, et coiffés de casques
de diverses formes ; l'un porte une lance à banderole, un autre,
un petit écu. Un marteau, des tenailles et trois clous gisent
à terre. Dans le fond, on aperçoit Jérusalem
avec ses maisons, ses clochers, ses remparts munis d'une tour cylindrique
crénelée, et une porte ou poterne flanquée de
deux poivrières.
2. Marie
au pied de la croix. – Jésus en croix occupe le centre
de la composition ; il est nu, une simple écharpe à
la ceinture, et attaché par trois clous à une croix
de bois, en forme de tau surmontée du titulus portant les lettres
I N R I. A ses côtés, les deux larrons, également
nus, avec écharpe à la ceinture, sont liés par
des cordes à des croix aussi en forme de tau, mais en bois
brut. A la droite du Christ, le bon larron tourne la tête vers
lui d'un air plein de repentir et Jésus le regarde avec bonté.
Au premier plan, Marie tombe en pâmoison, affaissée sur
elle-même, les mains croisées sur la poitrine, tandis
que Jean la soutient par les épaules ; la Madeleine se précipite
vers Jésus levant les mains et la tête, comme en proie
au plus profond désespoir; Marie, femme de Cléophas,
la tête voilée, se tient par derrière. A la gauche
de Jésus, le mauvais larron détourne la tête,
et trois soldats avec casques de diverses formes sont accompagnés
d'un quatrième personnage, dont le costume plus riche que celui
des autres, paraît désigner un chef : solerets en bec
de cane et jambières, braconnière à écailles
de poissons, corselet à tassettes avec motifs de décoration
sur les pectoraux, pourpoint à larges manches tailladées,
casque orné d'un panache; il s'appuie sur un grand écu
à une tête de lion, bordé de têtes de clous,
lève la tête et la main vers le Christ et paraît
parler. N'est-ce pas le centurion disant ces mots : « Vere filius
Dei erat iste » (1)? Dans le fond, on aperçoit toujours
Jérusalem, avec ses maisons, ses clochers et ses remparts crénelés
(2).
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Notes |
(1) Matth.. XXVII, 54; Joan., XXVII,
54
(2) Bien que Jésus en croix soit placé encore d'une
façon un peu symétrique au centre de la composition,
la tradition iconographique et hiératique du moyen âge
n'est plus suivie, et le Crucifiement est représenté
à la moderne, c'est-à-dire d'une façon pittoresque.
Les accessoires traditionnels n'y sont plus : le soleil, la lune,
les anges recueillant le sang de Jésus dans des calices, la
tète de mort, Adam ressuscitant, I'Eglise et la Synagogue,
etc. MM. Jourdain et Duval observent avec raison tout ce qu'y perd
la dignité d'un pareil sujet. Ce n'est pas ainsi que le haut
moyen âge traduisait les simples paroles de saint Jean : «
Stabant juxta crucem Jesu mater ejus et soror matris ejus Maria Cleophae
et Maria Magdalene. Cura vidisset ergo Jesus matrem et discipulum
stantem quem diligebat », etc. (Joan., XIX) Ce n'est plus la
mort d'un Dieu, mais la mort d'un homme. Mais c'était la mode
du temps. A l'ancienne tradition, la Renaissance en a substitué
une autre pour représenter le Crucifiement et la Descente de
croix. Elle s'est perpétuée jusqu'à nos jours. |
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PANNEAU
DE LA RAMPE J 95 (pl. LXXXIV, en Z). - 1. Jésus descendu de
la croix. - Même décor. Monté sur une échelle
qui est appuyée à la croix, un personnage barbu, tête
nue, saie serrée à la taille, fendue sur les côtés
avec galon et affiquet, chaperon en forme de capuchon relevé,
dont la pèlerine est . bordée d'un galon perlé,
descend doucement le corps inanimé du Sauveur. Un autre, coiffé
d'un bonnet à oreilles tombantes terminées par des glands.,
sur lequel est posé un bourrelet (1), retient le corps de Jésus
par les pieds, pour l'empêcher de tomber. Marie, mère
de Jésus, n'est pas encore revenue de sa défaillance,
et Jean. la soutient toujours, aidé de Marie, femme de Cléophas,
tandis que la Madeleine agenouillée baise avec effusion les
mains pendantes du Sauveur.
2. Mise
au tombeau. - Un sépulcre, ou plutôt un sarcophage ouvert,
orné de petites roses tréflées, au-dessus duquel
Joseph d'Arimathie et Nicodème tiennent le corps inanimé
de Jésus étendu sur un linceul. Au premier plan, la
Madeleine agenouillée découvre une boite à parfums
de forme cylindrique, tandis que, dans le fond, Marie éplorée,
accompagnée de Jean et de deux saintes femmes, se penche les
mains jointes vers le corps de son fils : la couronne d'épines
gît à terre. A l'arrière-plan, on aperçoit
Jérusalem comme précédemment (2).
PANNEAU
DE LA RAMPE K 87 (pl. LXXXI, en Z). - 1. Apparition de Jésus
ressuscité à Marie (3). - L'Évangile ne dit pas
que Jésus ressuscité soit apparu spécialement
à Marie : c'est pourtant une tradition répandue depuis
longtemps, qu'il n'a pas été sans se montrer à
sa mère après sa résurrection, et que même
sa première apparition dut être pour elle (4). Nos artistes
ont supposé le fait dans la cour intérieure d'une fort
jolie maison : d'un côté est une porte en arc surbaissé,
surmontée d'un écu chargé d'une croix et couronnée
d'un fronton semi-circulaire en coquille, orné de crochets
et flanqué de deux statues d'hommes en pied, sous des dais
d'architecture; une autre face de la maison s'ouvre par un grand arc
trilobé, terminé en accolade surmontée d'une
statue d'homme en pied feuilletant un livre; au-dessus, est un gable
à rampes droites ornées de crochets, et, à l'extrémité,
une statue d'homme en pied déroulant une banderole. A travers
cette grande arcade, on aperçoit le vestibule intérieur
de la maison, voûté sur croisées d'ogives, d'où
part un escalier de bois à vis, avec panneaux à draperies
plissées; à côté, est une fenêtre
carrée à croisée de pierre, dont les deux carreaux
supérieurs sont vitrés à losanges, et les deux
|
Notes |
(1) MM. Jourdain et Duval ont nommé
le premier de ces deux personnages Joseph d'Arimathie, et l'autre,
Nicodème, mais l'importance de la coiffure du dernier devrait
plutôt le faire prendre pour Joseph d'Arimathie « Homo
dives » (Matth., XXVII, 57); « Nobilis decurio »
(Marc.. XV, 43).
(2) Personne n'ignore la vogue extraordinaire qu'eut ce sujet à
partir du XVè siècle. Chaque église voulut avoir
son sépulcre, et il nous en est resté un grand nombre
dont plusieurs sont des chefs-d’œuvre. Dans ses dimensions
minuscules, celui-ci ne serait pas déplacé parmi les
plus remarquables.
(3) Bien que nos artistes n'aient pas hésité à
l'occasion à figurer des scènes ou Marie n'était
pas présente, telles que le Massacre des Innocents, par exemple;
ils n'ont pas placé ici la Résurrection.
(4) S: AMBR., R., Lib. II de Virg, - Leg. aur., De Resurrect. Domini,
- etc. |
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autres fermés par des volets à draperies
plissées. Trois bannières flottent au faîte de
la toiture. Par-dessus le mur qui ferme un des côtés
de la cour, on aperçoit la campagne plantée d'arbres,
et un château aux tours crénelées. Marie était
en prières, agenouillée devant, un prie-Dieu, sur lequel
est posé un livre ouvert : elle fait un geste de surprise,
en apercevant Jésus qui s'approche d'elle presque nu, un linceul
jeté sur les épaules, les mains et les pieds percés
et montrant la plaie de son côté.
2. L'Ascension
(1). - Marie, et les apôtres et les disciples au nombre de douze,
agenouillés, les mains jointes ou levées, les yeux au
ciel, regardent Jésus qui vient de quitter la terre du haut
d'un monticule conservant encore, - suivant la tradition, la trace
de ses pieds. Le Sauveur s'élève dans les airs au milieu
d'une auréole rayonnante, et disparaît dans un nuage
qui ne laisse plus voir que ses pieds et le bord intérieur
de sa robe. Dans la campagne, on aperçoit deux espèces
d'églises ou de châteaux surmontés de flèches
(2).
Jouée
L 86. - Elle est garnie de six sujets disposés d'une façon
à peu près semblable à ceux de la jouée
F 31 qui lui fait vis-à-vis.
1. Descente
du Saint-Esprit (pl. LXXXII, en Z). - Le Cénacle est figuré
par une salle voûtée sur croisées d'ogives et
éclairée par de grandes fenêtres en accolades,
avec crochets et remplages flamboyants, et vitrées en losanges.,
Marie, voile sur la tête, et deux saintes femmes coiffées
l'une d'un bourrelet, l'autre, d'une riche coiffe ornée d'un
affiquet sur le front et de grosses rosaces aux oreilles, (3), sont
au milieu des apôtres et des disciples : il y en a douze, comme
dans. la scène de l'Ascension; ils sont vêtus à
l'antique et pieds nus, les uns barbus, les autres imberbes, les uns
à genoux, les autres debout. Tous joignent ou étendent
les mains, les regards tournés vers le ciel, sauf Marie qui
baisse modestement les yeux. Une pluie de langues de feu tombe sur
eux d'une nuée qui apparaît en haut de l'appartement
(4).
2. La
Mort de Marie (fig. 2o5) (5). - Marie, un voile sur la tête
et entièrement vêtue, est couchée sur un lit,
un cierge allumé entre les mains. Autour d'elle se pressent
les apôtres, dont les figures reflètent la tristesse
et la désolation: Ils sont au nombre de onze. L'un d'eux, Pierre
sans doute, bien que l'entailleur ne lui ait pas donné son
type traditionnel, asperge la moribonde d'eau bénite au moyen
d'un grand goupillon à longs poils; un autre, encore jeune
et imberbe – saint Jean? – est penché sur le lit,
affaissé dans sa douleur, la tête plongée dans
un livre ouvert ; un troisième s'appuie sur un bâton,
un autre égrène son chapelet, deux tiennent des livres
ouverts. Trois sont au premier plan, assis sur un banc, les huit autres
derrière le lit. Au revers, on voit les dos de ces derniers,
qui sont montés Sur un banc, sous lequel trottent un rat et
une souris.
|
Notes |
(1) Marc., XVI, 19; Luc., XXIV, 51: Act.,
1, 9.
(2) Ce panneau a été un peu détérioré
par l'usure.
(3) « Cum introissent in cœnaculum, ascendcrunt ubi manebant
Petrus et joannes, jacobus et Andrcas, Philippus et Thomas, Bartholomaeus
et Matthaeus, jacobus Alphei et Simon Zelotes et Judas Jacobi; hi
omnes erant perseverantes unanimiter in oratione, cum mulieribus et
Maria matre Jesu et fratribus ejus ». Act., 1, 13, 14
(4) Ce bas-relief a été passablement abîmé
par le frottement.
(5) Sur la mort, l'assomption et le couronnement de Marie, voy. ci-dessus,
t. I, P. 400 |
|
3.
L'Assomption (fig. 2o5). - Marie, radieuse et resplendissante de jeunesse,
debout, les mains jointes, longue robe ouverte en cœur sur la
poitrine, manteau drapé sur les épaules, sans voile,
la chevelure tombant en longues mèches, comme avant la naissance
de Jésus, est enlevée au ciel par cinq anges en aubes
et amicts. Six apôtres sont à genoux, les mains jointes
ou étendues, levant vers le ciel leurs visages ravis. Au revers,
est la contre-partie de ce qui précède, plus quatre
apôtres (dix en tout), deux debout, et deux, à genoux,
exprimant les mêmes sentiments.
4. Couronnement
de Marie (fig. 2o5). - Sous un dais richement brodé et bordé
de franges, dont deux anges en aubes et amicts soulèvent gracieu-sement
les courtines, la Trinité est assise sur un banc, dont le dossier
est couronné d'une jolie crête gothique. Elle est représentée
par trois personnages aux physionomies identiques, barbus, têtes
et pieds nus, vêtements drapés, celui qui est à
la; droite du spectateur portant en plus une chape à fermail
d'orfèvrerie. Les deux personnes qui sont aux extrémités
du banc tiennent chacune un sceptre fleurdelisé, et un globe
; celle qui est assise au milieu, à une place plus élevée,
pose une couronne (1) sur le front de Marie qui, les mains jointes,
est agenouillée devant elle, face au public. Au revers, on
voit le dossier du banc qui est composé de panneaux à
draperies plissées, et deux anges debout, vêtus comme
les premiers, relevant les courtines du dais.
5 et 6.
Concert d'anges assistant au couronnement de Marie (fg. 2o5). - Il
y en a dix dans chaque groupe, cinq au droit et cinq au revers : tous
sont |
Notes |
(1) Elle est brisée. |
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vêtus de l'aube et de l'amict, sauf un, au droit
du groupe no 5, qui porte en plus une dalmatique frangée. Quatre
anges, un sur chacune des faces de chaque groupe, jouent des instruments
de musique : harpe, trompette recourbée ou cornet, luth, viole.
Sur le montant antérieur, onze niches ont été
dépouillées des statuettes et des groupes qu'elles abritaient,
et dont on, voit, encore. plusieurs chevilles d'attache. Ils devaient
se rapporter aux circonstances accessoires de la mort de Marie, et
pouvaient représenter les funérailles de la Vierge,
le châtiment des Juifs qui avaient osé toucher à
son cercueil, sujets si fréquents au moyen âge, etc.
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